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Nicolas de Merville | Sujet: Nico et Slovan Jeu 21 Juin - 2:39 | |
| Je regardai la diligence de Roxane s'éloigner. Slovan, âgé de sept ans, se tenait à côté de moi, serrant mon index entre ses doigts. Même si je ne pouvais le voir, je savais que Roxane nous regardait par la vitre arrière du carrosse. Je fis un salut de la main en souriant tristement que sans doute ma femme imita à l'intérieur de sa voiture qui me l'arrachait. Slovan en fit de même en se serrant contre ma jambe, comme pour se rassurer. Ça y est. Roxane était partie pour un bon mois. Un mois sans elle... Je me demandai si j'allais tenir alors qu'elle me manquait déjà. Cela ne faisait même pas une minute qu'elle avait quitté mon champ de vision. J'en ressentais un vide de la savoir loin de moi. Et sans doute pour Slovan aussi. Reviens-nous vite, ma Roxane. Tes deux hommes t'attendent. - Dis, papa, fit la petite voix de mon fils.- Oui, mon chéri ?- Où va maman ?- A Florence, en Italie, répondis-je en passant une main affectueuse dans ses cheveux.- C'est loin ? - Oui, assez. Tu veux que je te montre sur une carte ?Il fit un petit oui de la tête qui me fit sourire. Je le posai à nouveau sur ses pieds et lui pris la main pour le conduire à l'intérieur. Il se mit soudainement à sautiller joyeusement, sans doute à l'idée que je lui apprenne quelque chose. J'en fus attendri et caressai sa tête avec tendresse. Je dois avouer que ne pas lui mettre un doigt dans l’œil fut assez ardu. Il bougeait tellement qu'il était difficile de toucher l'endroit voulu sans déraper. Nous montâmes les escaliers que Slovan gravit quatre à quatre. Il s'en était fallu de peu pour qu'il ne me tire pas de force, jugeant que j'étais trop lent à son goût. Je retins un rire. Au lieu de ça je secouai la tête. - Du calme, Slovan, fis-je d'un ton amusé, malgré tout. Tu vas encore trébucher et te faire mal.- Mais non, papa !Comme je m'y attendais, il s'emmêla les pieds et bascula vers l'avant. Si je ne l'avais pas tenu, il serait sans doute tombé et se serait fait vraiment mal. - Qu'est-ce que je t'avais dit ? Il faut faire doucement.Slovan m'adressa une petite moue déconfite qui montrait clairement qu'il n'admettait pas avoir eu tord. J'en eus un sourire. Exactement la même expression que pouvait avoir Roxane quand elle était contrariée. Et d'autant plus quand, même s'il m'obéissait enfin, il prit un air digne. Je faillis en rire. Il était bien le fils de Roxane. Néanmoins, il ne put me cacher son excitation à l'idée d'entrer dans mon bureau. Il savait que je ne lui autorisait pas d'y aller comme il le souhaitait. Et s'y pliait malgré sa curiosité. Il n'y avait qu'avec ma permission qu'il y pénétrait. Ce qui était fort rare. Connaissant Slovan et sa curiosité démesurée, il se serait mis à fouiller partout. Ce qui ne m'aurait pas plu. Même venant de mon propre fils. Nous arrivâmes devant la porte et j'introduisis la clé à l'intérieur de la serrure. Slovan me regarda faire avec impatience. Amusé, je fis exprès d'ouvrir lentement. Ce qui provoqua une mine boudeuse sur le visage de Slovan. J'eus un petit sourire. Nous entrâmes enfin et Slovan regarda tout autour de lui avec curiosité. Les livres soigneusement rangés sur les étagères. Les bibelots qui décoraient la pièce. Les papiers posés sur le bureau. Et surtout la carte accrochée à un des murs. Je conduisis Slovan devant et le pris dans mes bras pour qu'il puisse mieux voir. - Alors ! Ici, tu as la France. Paris est là. Et nous, on vit ici, en Auvergne. Et tout ça, c'est l'Italie. Florence est à cet endroit. Slovan m'écouta avec attention, fasciné par ce que je lui montrais. Je m'emparai de son petit doigt et lui fis dessiner une ligne qui allait de l'Auvergne jusqu'à Florence. - Et maman doit faire tout ce chemin- C'est loin. - Oui, c'est vrai. Mais elle reviendra vite, tu verras. - Pourquoi elle a dû partir ?Devant son air triste, je le serrai contre moi. Il passa ses bras autour de mes épaules en posant sa tête dans le creux de mon cou. Tendrement, je lui frottai le dos et l'embrassai sur la joue. - Maman est une princesse. Elle doit régler certaines affaires avec ton grand-père.- C'est vrai ? Une vraie princesse ?- Oui. Une vraie de vraie. - Ça veut dire que tu es un prince ?J'eus un rire. Il était adorable. Son innocence et sa spontanéité dû à l'enfance m'attendrissait. - Oui, fiston. Si on peut dire. Et toi aussi tu es un prince.- Ah oui ?- Evidement, vu que tu es le fils d'une princesse.Je vis dans ses yeux briller les étincelles de l'exaltation. J'eus un nouveau rire et ébouriffai les cheveux de mon petit-bonhomme qui ne manqua pas de rouspéter. - Mais ! Papa ! Tu me décoiffes !- Mais non ! Mais non ! Fis-je d'un ton taquin. Slovan eut une mine boudeuse alors qu'il remettait en place ses cheveux. Toujours riant, je le posai à terre. - Allez ! Maintenant dehors. Tu as assez vu mon bureau pour aujourd'hui.- Mais ! Tu veux pas me montrer d'autres choses ? - Pourquoi pas mais elles ne sont pas dans mon bureau, bonhomme. Il croisa soudainement les bras, boudant. Il resta ainsi quelques secondes, sans rien dire. - Je suis pas un bonhomme ! On appelle pas un prince bonhomme !J'éclatai de rire. Et en profitai pour lui ébouriffer une nouvelle fois ses cheveux malgré ses protestations. - Très bien, votre altesse, fis-je moqueur. Si Majesté veut bien se donner la peine de sortir.Toujours les bras croisé, il avança la tête haute et l'air à la foi digne et faussement hautain. Intérieurement, j'étais plié en deux. Je ne me demandai plus de quel ventre il venait. Roxane ne pouvait absolument pas le renier. Je le regardai sortir ainsi en souriant d'amusement. Je le suivis et fermai la porte derrière moi. Cependant, je ne la verrouillai pas. J'ignore si Slovan cru qu'il s'agit d'un réel oubli ou s'il savait que c'était volontaire. Dans les deux cas, il vit clairement qu'il pourrait entrer dans le bureau s'il le souhaitait et ne fit aucune remarque. Je comptais appliquer le conseil de Roxane qui me disait que fermer ainsi à clé la pièce ne ferait que tenter Slovan. Bien sûr, j'étais d'accord sur ce point. Néanmoins, je pensais malgré tout ainsi inculquer à Slovan l'idée que le bureau était inaccessible sans moi ou sa mère. Selon moi, notre fils comprendrait ainsi qu'il s'agit pas d'une pièce dans laquelle il peut jouer. Et maintenant, je comptais le tester mais aussi appliquer la méthode qu'aurait utilisé Roxane. A savoir laisser la porte ouverte et le réprimander s'il venait à désobéir. - Bien ! Notre Prince va aller maintenant au bain ! Fis-je.- Oh non ! Pas plutôt demain ? M'implora Slovan.- Non, maintenant. Si je t'écoutai tu reporterais toujours au lendemain et tu ne serais jamais propre.Il bouda mais ne bougea pas pour autant, restant stoïque et enraciné comme un arbre. J'en soupirai. Et dire que lorsque j'avais son âge je ne me faisais pas prier pour me laver. J'avais toujours aimer barboter. Le voyant croiser les bras, je l'imitai d'un air sévère. - Prince Slovan de Merville, vous allez me faire le plaisir d'aller dans la salle de bain. Et plus vite que ça !Il râla et marmonna mais commença à se diriger vers la salle de bain. Je le suivis de près, les bras croisés. Je n'aurais pas été étonné qu'il me fasse croire qu'il y est allé et finalement se défiler au dernier moment pour se cacher quelque part dans le domaine pour échapper à la fessée qu'il aurait récolté. Je fus donc sur ses talons tout le long du chemin. Les quelques fois où il ralentit, un « avance » bien placé le faisait accélérer à nouveau. Et bientôt nous arrivâmes à destination. Pour le plus « grand malheur » de mon fils qui fut forcé d'ouvrir la salle de torture par excellence ! Je dus le pousser un peu pour qu'il entre. La baignoire était déjà prête à l'accueillir . L'eau était encore bien chaude. - Je veux pas y aller...- Mais tu iras.- Non...- Tu veux que papa se fâche ?Il ne se le fit pas dire deux fois. Il commença à se dévêtir et avança à pas lents vers la baignoire. Il la fixa comme si elle allait le manger tout cru. - Allez ! Insistai-je.Du bout du pied, Slovan testa la température de l'eau. Si je ne m'étais pas retenu,je me serai donné une tape sur le front. - Elle est trop chaude...J'émis un long soupire d'exaspération. Je remontai mes manches et plongeai le coude dans l'eau. Comme je m'y attendais, elle était à la bonne température. - Dans l'eau, Slovan !- Non...- Oh si, tu vas y aller !Avant qu'il n'aie eu le temps de faire quoi que ce soit, je l'attrapai par la taille et le mis sans ménagement dans la baignoire. Il n'eut le temps de rien voir venir. Avant même d'avoir pu résister, il était déjà mouillé. Je dois avouer que j'étais fier de moi sur ce coup. Ce genre de choses, Slovan les voyait arriver à des kilomètres à la ronde. Je ne pus m'empêcher de sourire un peu en le voyant bouder. C'était tellement ma Roxane ! Avec un seau, j'arrosai Slovan qui se retrouva totalement mouillé. Puis je m'emparai d'un savon pour lui laver les cheveux. Il grogna quand je commençai à les lui frotter. - Tiens, on a un nouveau chien dans la maison ? Fis-je moqueur.La remarque me valut le droit à une petite giclée d'eau. Ma chemise se retrouva trempée. J'eus un rire et continuai de laver mon fils de la tête aux pieds. - Tu ne veux pas être propre pour avoir une chérie, dis-je.- C'est nul, les filles...- Même maman ?- Non ! Maman, c'est la seule qui soit pas nulle.- Sympa pour elle, fis-je en haussant gentiment un sourcil.Slovan se sentit soudainement penaud et baissa la tête, gêné. - Je veux dire... Maman, c'est la seule que j'aime ! Et je veux me marier avec elle !J'éclatai de rire tout en frottant Slovan. - Tu sais, elle est déjà mariée avec moi.- Elle peut avoir un deuxième mari, non ?- Et si je n'ai pas envi de partager ? Dis-je en riant. - Et bien... tu auras pas le choix ! Voilà ! - Ah oui ? Vraiment ?- Oui !A peine eut-il dit ça qu'un seau d'eau se déversa sur lui. Ce qui eut le don de lui couper la parole. J'en souris gentiment quand il crachouilla un peu. Maintenant le voilà entièrement rincer ! J'attrapai une serviette et enveloppai Slovan à l'intérieur. Il enroula ses bras autour de mon cou avec tendresse. - Je t'aime, papa !- Moi aussi, je t'aime, mon chéri. Je le serrai fort contre moi en lui frottant le dos. Il me déposa un baiser sur la joue que je lui rendis au centuple, provoquant un bruit sourd. Slovan en rit et je continuai. - Papa, arrête ! Ça chatouille !Complètement sourd à ce qu'il disait, je continuai en accentuant. Ce qui eut le don de redoubler les rires de Slovan. Puis je le sortis de l'eau et le frictionnai pour le sécher. Quand je retirai la serviette de ses cheveux, ils étaient tout ébouriffés. Ainsi nu et les cheveux en bataille, je le trouvai adorable. J'embrassai sa petite tête bien remplie et remis en place sa chevelure. Je le pris dans mes bras et l'emmenai dans sa chambre, enveloppé dans la serviette. Il s'agrippa à moi tout le long du chemin et je le fis glisser au sol une fois qu'on fut dans la pièce. Je sortis de l'armoire une tenue de nuit pour lui. - Je dois déjà aller au lit ? Demanda-t-il avec une petite moue.- Oui, mon chéri, répondis-je en posant son pyjama sur le matelas. Demain, ton précepteur arrive tôt le matin. Et il faut que tu sois en forme. Je l'embrassai tendrement sur le front alors que sa moue ne s'effaçait pas. Puis j'allais fermer les volets et tirer les rideau pendant que Slovan mettait son pyjama. Quand je me retournai, il était déjà allongé et sous les couvertures Et bien ! Le voilà sage, tout à coup. J'en fus amusé. Et surpris aussi. Ce petit m'étonnera toujours. D'ailleurs, il me regardait d'un air qui voulait dire « tu vois, je sais obéir ». Décidément, j'aurais tout vu avec lui. - Dis, papa, grand-mère viendra me dire bonne nuit ?- Mais bien sûr qu'elle viendra. Elle le fait tous les soirs.Un sourire rassuré aux lèvres, Slovan se couvrit un peu plus alors que je m'installai au bord du lit. Je lui adressai un sourire et passai une main dans ses cheveux bruns encore un peu humides. Je sentais mon cœur fondre face à ce petit bout de chou qui possédait la plus belle frimousse d'ange qui soit. Bien sûr, il ne fallait se fier aux apparence. Slovan était une terreur quand il s'y mettait. Mais quand je le voyais aussi adorable, je ne pouvais que craquer. Et dire que j'en étais le père. Avant la naissance de Slovan, je ne m'étais jamais trouvé l'âme paternelle. Tout comme avant ma rencontre avec Roxane, je ne m'étais jamais imaginé dans la peau d'un mari fidèle. - Papa ?- Oui, Slovan ?- Tu peux me lire une histoire ?- Bien sûr. Tu veux laquelle ?- Celle avec les animaux !Je souris. Pour lui, cela signifiait qu'il voulait que je lise une des fables de La Fontaine. J'ouvris le tiroir de sa table de chevet où j'avais rangé le livre dans le but de l'avoir à porter de main lorsqu'il voulait une histoire. Je l'en sortis et regardai la liste des fables répertoriées. Mon choix se porta sur Le Loup et le Chien. Je m'installai à coté de lui, étendant mes jambe sur le lit. Slovan se blottit contre moi et posa sa tête dans le creux de mon bras, serrant dans sa main un bout de ma chemise. Alors que je lisais, il parcourait la page en même temps. Sachant lire depuis peu, il était tout content de pouvoir voir les mots qui sortaient de ma bouche. Ses yeux, qu'il avait hérité de moi, suivaient les lignes. - Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. " Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor. , terminai-je.Je fermai doucement le livre et le remis à sa place. Ce faisant, je remarquai seulement à cet instant que ma mère se tenait contre le chambranle de la porte. Elle souriait d'un air attendri qui ne me surpris pas. Sourire que je lui rendis. [color=blue]- Pauvre loup, commenta Slovan. Il aurait dû accepter la proposition du chien. Mais je comprends qu'il ait préféré vivre libre. Mieux vaut mourir libre que vivre esclave.[color=blue] J'eus un sourire. En même temps, j'étais sidéré de l'entendre parler ainsi. J'avais rarement vu un enfant de sept ans faire pareille réflexion. Je m'en sentais fier. Mon petit-bonhomme qui parle comme un philosophe ! Il fallait que j'en discute à Roxane. Elle ressentirait la même fierté que moi. Peut-être même plus. La connaissant, ça n'était pas impossible. [color=darke red]- C'est vrai, mon chéri. Ne laisse jamais quelqu'un te voler ta liberté, déclarai-je en le serrant contre moi.[color=blue] Au même instant, Slovan remarqua la présence de ma mère qui nous regardait en silence. [color=blue]- Grand-mère ! Papa m'a raconté une histoire avec un loup qui a faim et d'un chien qui fait semblant d'être gentil ![color=blue] [color=violet]- Oui, bonhomme, répondit Cécile en s'approchant. J'ai reconnu l'histoire. [color=blue] J'embrassai Slovan sur le front et descendis du lit. Je fis allonger Slovan et le recouvris pendant que ma mère lui disait bonne nuit. Le regard en biais qu'elle me jeta me fit comprendre qu'elle était attendri par la tendresse que je manifestais pour mon fils. Je ne trouvai pas ça surprenant d'être ainsi avec Slovan. Je ne l'avais peut-être pas eu pendant neuf mois dans mon ventre mais il restait la chair de ma chair et le sang de mon sang. Il était mon fils. Elle déposa un baiser sur la joue de Slovan et lui caressa affectueusement le front. - Bonne nuit, chéri, dit-elle. Dors bien.Puis elle sortit, me laissant à nouveau seul avec lui. Je posai ma main sur la tête de Slovan en souriant. - Bonne nuit, papa.- Bonne nuit. Fais de beaux de rêves, petit prince.Il ferma doucement les yeux et s'endormit aussitôt, le pouce sur ses lèvres. Je secouai doucement la tête. Sacré petit bonhomme ! Il n'y avait que lui pour s'endormir aussi vite.
Dernière édition par Nicolas de Merville le Jeu 21 Juin - 3:36, édité 2 fois |
| | | Nicolas de Merville | Sujet: Re: Nico et Slovan Jeu 21 Juin - 2:43 | |
| Assis près de la cheminée, je lisais tranquillement. Bien qu'il fusse relativement tard, je n'étais pas vraiment fatigué. Tout le monde était couché, y compris les domestiques. La vérité, c'était que je n'étais pas vraiment pressé de me mettre au lit. Je n'avais pas particulièrement envi de me retrouver seul dans le lit que d'ordinaire je partageai avec Roxane. Elle me manquait déjà alors que ça ne faisait que quelques heures qu'elle était parti. Et dire qu'il restait un mois à attendre ! J'espérai qu'elle m'envoie assez rapidement des lettres. Il lui faudrait trois jours pour arriver à Florence. Puis il fallait encore compter le temps qu'elle écrive la lettre ainsi que le temps d'envoi. Si d'ici une semaine, je ne reçois rien... elle allait devoir s'attendre à un petit sermon signé Nicolas de Merville. Je voulais qu'elle me dise au moins qu'elle était arrivée à bon port, histoire de m'éviter des inquiétudes inutiles. Oh, elle serait capable de me faire ce coup-là ! Elle aimait se faire prier. Surtout par moi. Et l'idée d'occuper la totalité de mes pensées était pour son plus grand plaisir. Cependant, elle était aussi dépendante de moi que je l'étais d'elle. Je me demandai combien de temps elle tiendrait si elle avait eu la fantaisie de me faire une farce. Sans doute pas très longtemps même si pour moi ça équivaudrait à une éternité. J'entendis soudain une diligence . Je levai mon nez de mon livre et le refermai avant de le poser. Qui pouvait bien venir à une heure pareille ? En tout cas, la personne allait m'entendre ! Si Slovan se réveillait à cause d'un importun, l'individu le regretterait amèrement ! Irrité, je me levai de mon fauteuil et me dirigeai vers l'entrée du domaine. En sortant, j'eus un frisson. Il fallait dire qu'il ne faisait pas très chaud. Un nouveau reproche à ajouter sur la liste... Je frottai mes épaules tandis que je regardai la diligence arriver devant le perron. Tout d'abord, je crus ne pas la reconnaître. Mais je fus forcé d'admettre qu'il s'agissait bien de celle-ci. Non... ça ne pouvait être possible ! Que faisait-il ici ? Comment nous avait-il retrouvé ? Je devais rêver ! Pourtant, c'était bien mon père que je voyais descendre du véhicule. Je restai figer. Incapable du moindre mouvement, je ne prononçais pas un mot alors que mon géniteur s'avançait vers moi. Intérieurement, je tremblais d'épouvante à l'idée qu'il nous avait retrouvé. On était loin de Paris, un endroit où personne aurait pu savoir où nous nous trouvions !
- Et bien ? Est-ce ainsi qu'on salue son père ?
Je ne répondis pas, le fixant haineusement.
- Aurais-tu perdu ta langue ?
C'était la première fois qu'il me tutoyait. J'en fus choqué et d'autant plus glacé car j'en ressenti un mauvais présage. Ce fut avec peine que je pris sur moi pour l'affronter.
- Que faites-vous ici ? Dis-je d'un ton sec. - Et bien ! Quel accueil ! Je m'attendais à quelque chose de plus chaleureux de ta part. - Au risque de me répéter, que faites-vous ici ?
Il resta silencieux. Du moins pendant quelques secondes durant lesquelles il me fixa.
- J'imagine que tu n'as pas envi qu'on reste à attendre dans le froid devant ta porte. Je peux entrer ? - Non.
Il ne fit même pas attention à ma réponse. Il passa à côté de moi dans le but de pénétrer dans la maison. D'un geste vif, je l'attrapai par une épaule, le forçant à s'arrêter.
- Je ne vous ai pas autorisé à vous introduire chez moi ! - Autoriser ? Tu oses utiliser ce mot envers ton père ?
Je n'eus pas le temps de répliquer quoi que ce fut que le pommeau de sa canne vint frapper mon visage. Le choc fut si violent qu'il me fit tomber à terre. De justesse, je me retins de mettre une main à ma joue sur laquelle un énorme bleu apparaîtrait.
- N'utilisez plus ce ton avec moi. C'est le dernier avertissement.
Je levai la tête vers lui. Pourquoi ce soudain retour au vouvoiement qu'il m'avait toujours adressé ? Il me regardait également avec ce mépris qui lui était coutumier. Je me sentis à nouveau comme l'enfant que j'avais été. Cet enfant mais également cet adolescent qui devait plier l'échine face à son père. Non, je ne le voulais pas ! Je refusai de me laisser intimider ! Pas moi ! Bien qu'encore les jambes flageolantes, je parvins à me relever.
- Vous n'êtes pas le bienvenu, père. - Où se trouve votre mère ? Me coupa-t-il, ignorant totalement ma remarque.
Je serrai les poings. Ainsi c'était pour ça qu'il était là ! Pour ma mère ! Et bien, s'il s'imaginait que j'allais la lui livrer, il se trompait lourdement.
- Mère n'est pas ici, déclarai-je. - Vous n'avez jamais su me mentir, Nicolas. - Oh si ! Vous n'imaginez pas à quel point ! Sauf que vous n'avez pas été suffisamment clairvoyant pour le voir.
Un coup violent dans les côtes me coupa le souffle. Je fus projeté contre le mur et dus m'y tenir pour ne pas m'écrouler. Je levai les yeux vers mon père avec défi.
- Où se trouve Cécile de Merville ? - Elle n'est pas ici, dis-je.
Il m'incendia du regard puis il se détourna de moi pour entrer. J'émis un grognement furieux. Néanmoins je ne fis rien pour l'en empêcher. Qu'aurais-je pu faire ? Mon père était déterminé à entrer. Et rien n'aurait pu le retenir. Et surtout pas moi... Je le suivis alors qu'il observait le hall d'entrée d'un œil critique. Je me tins le côté douloureux. Me masser ne me faisait pas réellement du bien, me faisant respirer péniblement à cause de la douleur. Je fixai mon père à la fois avec crainte et mépris. Pourvu qu'il s'en aille rapidement... Il ne fallait pas qu'il tombe sur Slovan ou ma mère. La peur me tenaillait mais je restais droit, dissimulant ma panique derrière un masque d'arrogance et de fierté qui m'était accoutumé.
- Pas mal la maison. Il faudrait que je songe à m'y installer, un de ses jours.
Je fronçai les sourcils. Pour qui se prenait-il ? Etait-il stupide ou le faisait-il exprès ?
- Si vous vous imaginez pouvoir vous imposer ici, vous vous trompez lourdement, père. Les vrais maîtres de cette demeure sont Roxane et moi. Vous n'avez aucune autorité. Et certainement pas face à Roxane...
Mon père me jugea d'un regard en biais.
- D'ailleurs, où est-elle, votre catin qui se dit princesse ?
De justesse, je parvins à me mordre l'intérieur de la joue pour m'empêcher de répliquer. Cela aurait trop fait plaisir à mon père de me voir réagir. C'était déjà suffisant qu'il sache que ça avait fait mouche...
- Elle dort, répondis-je, machinalement. - Sans que vous soyez avec elle dans le lit ? Me prendrez-vous pour un demeuré ? - Peut-être bien, fis-je avec un sourire en coin.
Les mots étaient sorti sans que je réussisse à les retenir. Le coup partit également. Le pommeau frappa avec violence mes lèvres, les faisant éclater. Une chance que le coup ne fut pas assez fort pour me casser les dents. Sous le choc, je reculai de quelques pas. Je saignai abondamment. Le désagréable goût de fer dans la bouche me le confirmait. Sans compter que je m'étais férocement mordu la joue. Encore une fois, j'eus de la chance que ce ne fut pas ma langue. Sinon, je serai certainement en train de m'étouffer avec mon propre sang.
- Toujours aussi impertinent, mon fils, dit-il d'un ton méprisant.
J'haussai un sourcil tandis que je tâtai prudemment mes lèvres blessées avec l'index. Ce n'était certes pas la première fois qu'il m'appelait ainsi mais à chaque fois je ne pouvais qu'en être troublé. Mon père avait si peu de considération à mon égard qu'il ne me voyait pas comme son fils. Je me demandai comment il faisait pour m'affubler de ce titre... Je ne répondis rien, le fixant avec défi.
- Où se trouve votre mère ? Répéta-t-il. - Je vous l'ai déjà dit, elle n'est pas ici.
Parler me fit un mal de chien. Mais si je ne l'avais pas fait, j'aurai récolté d'autres coups.
- Où est-elle ? - Pas là.
La frappe fut plus féroce. La pointe de la canne atteignit mon ventre avec une telle force que je tombai au sol, le souffle coupé. A quatre pattes aux pieds de mon père et la main sur le ventre, je crus vomir. Mais la nausée fut vite dissipée par un genoux attaquant mes côtes déjà meurtries. La douleur et le choc me fit pousser un cri que j'aurai aimé étouffer. Je tombai sur le côté. A peine eussé-je touché le sol qu'un nouveau coup atteignit mon ventre, provoquant un nouveau cri de ma part. Péniblement, je tentai de reprendre mon souffle, essayant d'oublier la souffrance. Ou du moins de l'atténuer.
- Je ne demande qu'une seule chose, Nicolas. Dis-moi où se trouve Cécile de Merville.
La voix était doucereuse et empli de menace. Mais je ne cédais pas. Je crachai aux pieds de mon père un mélange de salive et de sang. Ce qui ne lui plut pas... Son pied me frappa dans le bas ventre puis plus bas, me faisant pousser un cri plus fort que les autres. J'en eu les larmes aux yeux. La douleur me fit tousser bruyamment
- Je ne me répéterai plus, Nicolas. Où... est... Cécile ? - Loin de vous, répondis-je dans une toux.
La canne s'abattit sur mon dos, en plein sur la colonne vertébrale. Je fus incapable d'émettre un seul son cette fois. Ma respiration était comme bloquée durant quelques secondes.
- Papa !
La voix tremblante de Slovan raisonna dans ma tête. Je parvins à le voir – ou du moins à distinguer sa silhouette – à travers mes yeux embués. La panique monta en moi comme une flèche. Non ! Pas lui ! J'aurais voulu bouger et me précipiter vers mon fils pour le protéger de mon père. Mais j'en étais incapable. Je n'avais qu'une chose à faire...
- Slovan ! Monte chez ta grand-mère ! File !
Sans doute n'aurais-je pas dû dire ça. Car ainsi mon père avait la confirmation que ma mère était présente. Mais les mots étaient sortis tout seul sous le coup de la panique. Ce fut avec un certain soulagement que je vis Slovan courir en direction des escaliers. Pour lui donner de l'avance, je parvins à attraper la cheville de mon géniteur qui trébucha. Un violent choc sur la tête me fit pousser un gémissement puis ce fut le trou noir.
Dernière édition par Nicolas de Merville le Jeu 21 Juin - 12:42, édité 2 fois |
| | | Nicolas de Merville | Sujet: Re: Nico et Slovan Jeu 21 Juin - 2:47 | |
| Je sentis quelque chose de frais sur mon front. Et d'humide. Puis une pique douloureuse assaillit ma tête. Surtout à l'arrière du crâne qui m'élançait plus particulièrement comme si on me frappait à coup de marteau. Ce qui provoqua un gémissement de ma part. J'ouvris lentement les yeux tandis qu'on passait toujours quelque chose de mouiller sur mon visage. Ma vision fut d'abord troublée. Les traits de ce qui m'entouraient était flous alors que les couleur restaient brouillées. Tout ce que je distinguais étaient une forme au dessus de moi. Une sorte d'ovale entouré d'un halo doré.
- Nicolas ?
La voix me parut familière. Mais je ne parvenais pas à l'identifier. Où l'avais-je déjà entendue ? Tout ce que je pus savoir c'était qu'il s'agissait d'une femme. Le timbre qu'elle avait employé était plaisant, voire apaisant. J'y perçus une pointe d'inquiétude également. Mais mélanger avec de la douceur presque maternelle.
- Nicolas ? Tu te réveilles, mon chéri ?
Cette fois, je reconnus la voix. Avec ça, ma vision se rétablit et je pus voir ma mère à mon chevet qui épongeait mon front à l'aide d'un chiffon humide. Tout me revint en mémoire. Mon père débarquant dans le domaine. Les coups. Mon fils fuyant. D'un bond, je me redressai.
- Slovan !
J'allais quitter le lit sur lequel j'étais étendu mais ma mère me retint en posant une main ferme sur mon épaule et me forçant à m'allonger à nouveau.
- Chut, fit-elle doucement. Calme-toi. Slovan n'a rien. Il dort dans sa chambre.
Je voulus insister et me lever. Même si je croyais ma mère, j'avais besoin de voir mon fils et m'assurer par mes propres yeux qu'il était sauf. Cependant le regard que me jeta Cécile m'incita à rester tranquille.
- Il n'a vraiment rien ? Ne pus-je m'empêcher de demander. - Il n'a rien.
J'émis un soupire de soulagement. Mon père n'avait pas pu s'en prendre à lui ! Un poids quitta mon cœur inquiet. Je me frottai le visage pour me remettre quelque peu les idées en place. Mais ce simple mouvement raviva la douleur que mon géniteur m'avait octroyé aux côtes. Une grimace étira mon visage alors qu'un gémissement s'échappa de mes lèvres.
- Tu devrais éviter de trop bouger, me conseilla ma mère. Tu as de méchants bleus. Surtout sur le côté gauche et l'aine.
J'haussai un sourcil en tournant la tête vers elle. Elle m'avait déshabiller pour vérifier ? Je réalisai seulement à cet instant qu'effectivement, j'étais nu sous mes draps. Si d'ordinaire, ça ne m'aurait posé aucun problème d'être dans mon simple appareil devant quelqu'un, devant ma mère, c'était différent. Je me sentis rougir. Et j'en eus honte. Je crois bien que c'était la première fois que le feu me montait aux joues. Et honnêtement, je n'en étais pas vraiment fier...Heureusement, qu'il n'y avait que ma mère présente. Et surtout que Roxane ne me voyait pas. Elle se serait sans doute gentiment moqué de moi. En tout cas, c'est ce que moi j'aurais fait si je m'étais vu embarrassé de la sorte. Sans doute Cécile vit mes joues prendre des couleurs car elle me donna une pichenette sur le front.
- Allons, mon garçon, fit-elle avec un ton amusé. Pas de pudeur avec moi. Je suis ta mère. Et ce n'est pas la première fois que je te vois nu. Je me souviens encore du jour où tu avais une très vilaine fièvre. Tu étais tellement faible et malade que je devais moi-même te changer et te laver. Tous les jours. - J'avais treize ans, mère. Je viens d'avoir trente ans à présent. - Peut-être mais je reste ta mère. Et puis... je pensais que tu ne connaissais pas la pudeur. - Avec vous, c'est différent. Parce que vous êtes ma mère, justement
Elle eut un petit rire. Je me sentis encore plus honteux que jamais. Que je tentais vainement de cacher.
- Mon petit bout qui est gêné ! Commenta-t-elle. C'est une première ! Il faut que je l'inscrive quelque part. Et que je le dise à Roxane. Je sens qu'elle va adorer l'apprendre. - Non ! Fis-je vivement. Dites rien à Roxane, s'il vous plaît. - Si ça n'est pas trop tentant, peut-être.
Le sourire taquin qu'elle eut confirma mes craintes. Elle le lui dirait. J'émis un soupire d'exaspération. Ma mère était bien une femme ! Et pratiquement du même calibre que Roxane. Toutes les deux adoraient me torturer et ne loupaient pas une occasion pour le faire. Elle reprit cependant un air sérieux et inquiet en passant une main dans mes cheveux. Et je n'ignorai pas pourquoi.
- Tu m'as vraiment fait peur, tu sais ? - Je m'en doute, mère, fis-je. - Quand Slovan est venu me réveiller en me disant qu'il y avait un méchant monsieur qui t'avait tué, j'ai vraiment paniqué. Et encore plus quand j'ai vu ton père dans le couloir quand je suis sorti pour voir.
Je ne dis rien. Qu'avais-je à dire. Je comprenais sa réaction. J'avais eu la même quand mon fils était apparu dans le hall alors que mon père s'en prenait à moi. Néanmoins, j'étais curieux de savoir ce qui était advenu après. A part le fait qu'elle avait dû me trouver évanoui sur le sol.
- Comment avez-vous réussi à le faire partir ? Demandai-je
Les doigts qui brossaient tendrement mes cheveux s'arrêtèrent soudainement. Le visage de ma mère se ferma brusquement, les yeux fixes. J'en fus surpris. Pourquoi une telle réaction ? Elle paraissait troublée et... apeurée. J'attendis qu'elle réponde et s'explique mais elle resta silencieuse.
- Mère ? Insistai-je. - Il... commença-t-elle.
Je la vis déglutir puis baisser la tête, comme accablée par un lourd fardeau. La dernière fois que je l'avais vu ainsi, c'était quand nous vivions encore sous la coupe de mon père... Depuis que nous avions pu fuir, ma mère avait pu redresser le buste et retrouver la droiture de son dos. Une attitude qui lui seyait bien mieux que de courber l'échine. Bon sang ! Que c'était-il passé ?
- Il n'est pas parti.
Sur le moment, je ne fus pas sûr d'avoir bien entendu. Ça ne pouvait être possible. J'avais du mal comprendre ! Mais le regard presque éteint de ma mère me confirma ses dires. Il fallut un moment avant que je ne prenne pleinement conscience de la révélation et des conséquences qui en résultaient. J'ouvris grand les yeux d'horreur puis me relevai d'un bond. Il était hors de question qu'il s'approche de Slovan ! Il devait partir d'ici ! J'allais me diriger vers la penderie pour mettre quelque chose sur moi pour sortir de ma chambre mais c'était sans compter ma mère qui m'obligea à retourner sur mon lit. Malgré ma résistance – car je m'étais douté de sa réaction – elle parvint à me faire asseoir. Ce qui ne fut pas difficile en vu de mon état.
- Reste tranquille, s'il te plaît, m'intima-t-elle. - Rester tranquille ! Explosai-je.
Je n'avais pas voulu être aussi agressif à son égard mais mon inquiétude et la rage qu'on puisse m'empêcher d'aller protéger mon enfant m'avait fait parler plus vite que ma pensée.
- Nicolas, j'ai dû dire à ton père qu'il pouvait rester quelques temps ici. - Quoi ? Pourquoi avoir fait ça ? Vous lui permettez ainsi de s'en prendre à mon fils ! Vous invitez le loup dans la bergerie ! Comment avez-vous pu faire ça ?
Peu m'importait le ton que j'utilisai. Je me fichai totalement de friser l'impolitesse envers elle ! Tout comme je n'avais cure de lui manquer de respect en lui hurlant presque dessus. Je ne voyais qu'une chose dans mon esprit : mon père en présence de Slovan. Et cette image me mettait hors de moi. Et le fait que ma propre mère ait pu permettre pareille chose me faisait sortir de mes gonds. Je me sentais même trahi par elle. Cette femme forte qui m'avait porté dans son ventre, élevé et aimé ! Elle qui m'avait toujours protégé et que j'admirais et vénérais ! J'avais toujours eu une haute estime de ma mère et là... Je réalisai qu'il ne s'agissait que d'une charlatan !
- Nico, écoute-moi. Je n'ai pas eu le choix ! - On a toujours le choix, mère !
Le ton était acerbe et cassant. Jamais encore je n'avais eu un tel comportement à son égard.
- Je réalise que vous avez toujours agis avec lâcheté ! Vous aviez toutes les raisons et les possibilités de partir loin de lui quand j'étais enfant ! Vous auriez pu fuir avec moi ! Vous avez peur de l'affronter, voilà la vérité ! Vous n'osiez pas partir à cause de lui ! Vous aviez peur de ce qui pourrait arriver si vous veniez à fuir ! Et vous avez préféré rester ! Vous préférez le caresser dans le sens du poil alors qu'il faudrait lui donner un coup dans l'arrière-train !
Je me montrai impitoyable ! Je déversai toute ma colère et mes ressentiments sur elle, sans ménagement. Peut-être aurais-je dû modéré mes propos. Surtout que j'avais entièrement tord. Mais en cet instant, je ne réfléchissais plus à la portée de mes paroles.
- Et maintenant encore avec Slovan ! Vous avez peur encore et jouez à l'autruche ! Vous n'avez pas les tripes pour le faire partir ! Si vous ne pouvez le faire, je le ferai ! Quitte à lui casser les bras et les jambes, je le ferai ! Vous n'êtes qu'une lâche !
La gifle arriva sans prévenir et me coupa dans mon élan. Elle n'avait pas été douloureuse, même si je devais sans doute avoir une marque rouge. En revanche, cela me choqua. Jamais mère n'avait levé la main sur moi. Pas même une claque. Pour qu'elle en arrive là, au point de ne plus se contrôler, c'était que j'avais été allé trop loin. Et je m'en rendis compte. Mais sans doute trop tard pour réparer le mal que j'avais fait. Je regardai ma mère dont la main tremblait. Elle la fixait comme s'il s'agissait d'un objet inconnu et qui ne faisait pas parti de son corps. Elle releva la tête vers moi, les yeux embués. Cependant les larmes ne coulaient pas. Et je doutais qu'elles viennent. Mais cela me suffit pour prendre conscience de mon injustice. Je m'en voulu. Surtout que tout ce que j'avais dit, je ne le pensais pas réellement. Ma mère était la femme la plus courageuse que je connaisse. Elle n'avait rien d'une lâche. Au contraire. La colère et l'inquiétude m'avait fait parler sans réfléchir. Mais ça n'était pas une excuse. Ma mère n'avait pas mérité que je m'acharne sur elle. Surtout que le véritable objet de ma fureur était mon père. Même si ça ne servait sans doute à rien, je voulus m'excuser. Mais elle coupa en me prenant dans ses bras et serrant ma tête contre elle avec une force que je ne lui avais pas connu.
- Je suis désolée, mon chéri, dit-elle.
Les sanglots que je perçus dans sa voix me rendirent honteux et me donnèrent envie de me joindre à ses larmes que je sentis couler sur mon front. Etais-je vraiment stupide à ce point pour blesser gravement ma propre mère ? J'avais touché son point faible sans ménagement... J'étais décidément un idiot... Je la laissai docilement me caresser les cheveux. Je fermai doucement les yeux puis l'enlaçai.
- Non, c'est moi qui suis désolé, dis-je. J'ai été ingrat. Après tout ce que vous avez fait pour moi, tous les sacrifices que vous avez sans doute dû faire, j'ai été injuste. Pardonnez-moi. - Je n'ai rien à pardonner, mon bébé. Tu as raison. J'aurais dû faire ça depuis longtemps...
J'ouvris soudainement les yeux et me dégageai doucement de son étreinte. Sa dernière phrase me troublait. Car elle ne s'adressait pas vraiment à moi. Le ton qu'elle avait employé venait comme d'ailleurs. Comme si elle parlait à elle-même. Et cela me fit peur. Que voulait-elle dire ? Et à quoi pensait-elle ? Cécile s'essuya les yeux puis caressa doucement ma tête avec un sourire triste.
- tu devrais te reposer encore, déclara-t-elle. Je veille sur Slovan.
A ces mots, elle tourna sur elle-même et sortit de ma chambre. Je restai assis, chamboulé. Je me sentis trembler. Non seulement à cause de la retombée de ma colère mais aussi parce ce que j'avais osé faire à ma mère. Ainsi que son étrange attitude qui ne me disait rien de bon. Je me pris la tête entre les mains, les coudes appuyé sur mes cuisses. Mais j'eus vite fait de regretter ce geste. Une vive douleur sur le côté et le bas ventre me fit me redresser. Le souffle coupé, je tentais de contrôler la souffrance. Je baissai la tête et pus voir que ma mère ne m'avait pas menti concernant les bleus. Ceux sur le flanc gauche et l'aine étaient assez impressionnants. J'en avais d'autres sur le ventre et le bas-ventre mais moins conséquents. On peut dire qu'il ne m'avait pas loupé. Malgré les points douloureux, je me levai. Je ne voulais pas rester ici. Je devais voir Slovan et vérifier si tout allait bien. Ignorant les élancements qui me prenaient, je me vêtis rapidement. Puis je quittai ma chambre. Apparemment, le matin était déjà bien avancé. Me tenant le côté, je m'avançai dans le couloir en direction de la chambre de mon fils. Mais ce fut sans compter mon père qui apparut devant moi. Je me figeai, me contentant de le fixer. Il en fit de même. Nous restâmes ainsi à nous jauger du regard sans faire le moindre mouvement. Puis mon père reprit son chemin en passant à côté de moi. Je le suivis des yeux, m'attendant à tout de lui. Et j'eus raison car à peine arriva-t-il à ma hauteur qu'il me donna un coup de coude dans les côtes, en plein sur le bleu. Aucun son ne sortit de ma bouche mais ma respiration se bloqua sous le coup de la douleur. Le temps de reprendre mon souffle, mon père était déjà loin. Je continuai ma route et parvint devant la porte de la chambre de Slovan. J'ouvris doucement et regardai à l'intérieur. Les volets étaient fermés en vue de la pénombre. J'entrai discrètement et fermai sans bruit derrière moi. Sur le lit, je pouvais voir les formes d'un corps endormi. A pas feutré, je m'en approchai et m'assis au bord du lit. Slovan dormait comme un souche. Il semblait si paisible et était si adorable que j'en fus attendri. J'eus un sourire et passai délicatement une main dans ses cheveux. Il gémit et attrapa ma main dans son sommeil pour s'en servir de coussin. Je secouai la tête, amusé. Et infiniment rassuré de le savoir en pleine forme. Je me penchai pour déposer un baiser tendre sur sa tête, me fichant royalement que ces mouvements me fassent souffrir. C'est à cet instant qu'il se réveilla. Il ouvrit doucement les yeux et se tourna sur le dos. Je le vis cligner un peu des yeux et se frotter l’œil droit avec son poing.
- Papa ? Marmonna-t-il. - Oui, Slovan. C'est moi.
Il se redressa d'un bond, ce qui eut le don de me surprendre, et se jeta à mon cou. Il se mit sangloter alors que ses petits bras me serraient contre lui de toute leur petite force. J'eus un sourire, touché par son affection.
- J'ai cru que tu étais mort, sanglota-t-il.
Je lui caressai le dos avec tendresse, essayant de le calmer et de le rassurer.
- Non, je suis bien là, mon chéri. On ne tue pas ton père aussi facilement, fis-je sur le ton de la plaisanterie. - Parce que tu es le plus fort ? Demanda-t-il.
Amusé par sa remarque et son sérieux des plus enfantin, j'eus un rire.
- C'est ça, déclarai-je.
Il s'écarta un peu de moi mais toujours en gardant ses bras autour de mon cou.
- Et toi, bonhomme, tu n'as rien ? - J'ai rien. Le vilain monsieur m'a pas suivi jusque dans la chambre de grand-mère. - Tant mieux, dis-je en caressant ses cheveux encore emmêlés.
Il me regarda faire en silence, m'observant comme s'il essayait de voir quelque chose chez moi que je ne saurai dire quoi. Mais comme il ne disait rien, je m'abstins de faire la moindre remarque.
- Il est temps de te lever, mon petit prince. Il est tard. - Dis papa... - Oui ? - C'était qui ce méchant monsieur ?
J'hésitai. J'ignorai si je devais lui dire la vérité. Mais d'un autre côté... je ne pouvais pas la lui cacher non plus. Surtout qu'il la découvrirait tôt ou tard.
- Il est ton autre grand-père, avouai-je. Grégoire de Merville. - Ton papa à toi ? - Oui. - Alors pourquoi il est méchant avec toi ? - Je ne sais pas, chéri. Parce qu'il ne m'aime pas comme je t'aime. - Pourquoi ? - Je l'ignore. Mais j'aimerai bien le savoir.
Je lui embrassai le front et le fis descendre de mes genoux. Puis je m'accroupis pour être à sa hauteur. Je lui pris doucement les mains avec fermeté.
- Slovan, je vais te demander quelque chose mais il faut absolument que tu m'obéisses. C'est très important. - Je t'écoute, papa. - Ton grand-père va rester ici quelque temps. Et je veux que tu sois toujours accompagné durant son séjour. Tu ne dois pas être seul avec lui, d'accord ? - Parce qu'il peut me faire du mal ? - Oui. - Je t'obéirai alors.
Je le pris doucement contre moi, lui caressant les cheveux avant de lui déposer un baiser sur la joue.
- Allez ! On va prendre notre petit-déjeuné.
A ces mots, je le pris par la main et nous descendîmes dans les cuisines ensemble. Quand nous entrâmes dans la pièce les domestiques s'affairaient déjà pour préparer le déjeuné. Ils étaient tellement concentrés sur leur travail qu'ils ne nous virent pas tout de suite. Le cuisinier sursauta lorsque nous apparûmes devant lui.
- Oh ! Monsieur ! Désolé, je ne vous ai pas entendu entrer. - Ce n'est rien. Je venais prendre mon petit-déjeuné avec Slovan. - Je vais vous préparer ça, dans ce cas. - Non, non. Mettez juste l'eau et le lait à chauffer. Je m'occupe du reste. - Bien, monsieur
Il fit ce que je lui avais demandé. Quant à moi, je préparai deux bonnes tartines de confiture pour Slovan. Ajouter à ça, un bon bol de chocolat chaud. Quand à moi, je mangeai également des tartines avec du café. Alors que Slovan dévorait ce qu'il avait dans son assiette, je le vis lorgner mon bol. J'en fus amusé et le tendis vers lui.
- Tu veux goûter ? Fis-je.
Il acquiesça d'un signe de tête en mordant dans sa tartine. Puis il s'empara du récipient et goûta. La grimace qu'il fit provoqua un fou rire presque inarrêtable.
- C'est amer... marmonna-t-il. - Evidement que c'est amer. C'est du café, raillai-je gentiment.
Alors qu'il se rabattait sur son lait, j'essuyai les larmes qui perlaient à mes yeux.
Dernière édition par Nicolas de Merville le Jeu 21 Juin - 12:55, édité 1 fois |
| | | Nicolas de Merville | Sujet: Re: Nico et Slovan Jeu 21 Juin - 2:48 | |
| Les domestiques se tenaient les uns à côtés des autres, formant un ligne droite. Slovan me tenait fermement la main que je serrai doucement entre mes doigts. Je regardai mes serviteurs les uns après les autres, les fixant sévèrement dan le but d'avoir leur pleine attention. Ils ignoraient pourquoi je les avais convoquer tout ensemble et ils devaient très certainement se poser des questions et avoir quelques inquiétudes concernant mes intentions. La preuve était les regards qu'ils se lançaient entre eux.
- Si je vous ai fait venir tous ensemble, c'est parce que j'ai une déclaration à vous faire, commençai-je.
Personne ne parla, laissant planer un lourd silence dans le petit salon. Chacun attendait ce qui allait suivre avec une certaine angoisse. Moi-même, je nourrissais une certaine appréhension mais pas pour les mêmes raisons.
- Comme vous le savez, mon père passera quelques jours parmi nous. J'ignore combien de temps durera son séjour et j'espère qu'il ne sera pas trop long. - Votre père, monsieur de Merville ? Interrogea la dame de chambre de Roxane. - Oui, mon père. Le marquis de Merville.
En voyant quelques haussements de sourcils d'incompréhension, j'ajoutai :
- J'imagine que vous ignorez qui il est. Cet homme est fourbe. Peut-être stupide dans un certain sens mais il est mauvais. Rien ne lui fait plus plaisir que de faire souffrir des gens. Y compris son fils cadet. Depuis mon plus jeune âge, il me bat et se plaît à m'humilier. Pour vous en donner la preuve, je vais vous montrer les marques qu'il m'a laissées.
Je lâchai la main de Slovan et commençai à déboutonner ma chemise. Les domestiques, un peu abasourdi, attendirent ans dire un mot, se demandant ce que je leur voulais exactement. Je déposai mon vêtement sur le fauteuil puis me retournai, exposant mon dos à leurs yeux. Il avait encore l'énorme bleu d'hier soir ainsi qu'un nombre incalculable de cicatrices datant de plusieurs années. Les plus anciennes étaient si fines qu'on les voyait à peine. De légers murmures se firent entendre derrière moi. Quand j'estimai avoir fait suffisamment d'effet, je remis ma chemise et fit face aux domestiques. Je captai les yeux emplis d'inquiétude de Slovan. Je passai une main sur sa tête en lui adressant un sourire afin de le rassurer. J'ignore si j'y parvins mais il répondit à mon sourire. Je me concentrai à nouveau sur mes employés.
- J'imagine que vous comprenez ce que j'attends de vous, déclarai-je. - Pas vraiment, monsieur, avoua le majordome. - Mon père n'hésitera pas à s'en prendre à Slovan pour m'atteindre. Ainsi que la marquise de Merville. Ce que je souhaite, c'est que vous veillez sur mon fils. Il ne devra jamais être seul. A aucun moment. La plupart du temps, il sera avec moi. Mais a des moments, je ne pourrai pas l'avoir à mes côtés. Ces fois-là, je vous le confierai. Qu'importe comment vous vous organisez mais si vous ne pouvez le garder, confier le à quelqu'un qui le puisse. Entendu ? - Oui, monsieur ! Dirent-ils à l'unisson. - J'espère bien. Sachez que quiconque manquera à cet ordre sera renvoyé ! Ai-je été clair ?
La sanction pouvait paraître rude pour certains ; pour moi, elle ne l'était pas. Je ne pensai qu'à mon fils. S'il devait lui arriver quoi que ce soit... non seulement je doute pouvoir m'en remettre mais jamais je ne pourrai me le pardonner. Slovan était tout pour moi. Autant que Roxane. Ils étaient ma famille. Et je me devais de veiller sur eux, étant l'homme de la famille. Tel était mon rôle. Après m'être assuré de l'obéissance des domestiques, je pris Slovan par la main et l'emmenai avec moi.
- Donc vous souhaitez mettre cet argent de côté pour votre fils ? Interrogea l'homme plutôt corpulent qui me faisait face. - Tout à fait, répondis-je. Et il pourra toucher une petite partie de cet argent dès à présent. Quant au reste, il lui reviendra à ma mort et celle de mon épouse. - Lui donner déjà une partie ? S'étonna le banquier. Que fera-t-il de cet argent ? Il est trop jeune. - Je lui donne pour qu'il apprenne par lui-même à gérer sa fortune. - Mais...[/color] - J'ai confiance en Slovan, rétorquai-je sans laisser le temps à mon interlocuteur de répliquer. Il commencera bien un jour. Alors autant le faire dès à présent. De plus, on apprend plus vite étant enfant qu'adulte. A son âge, on est curieux et vif. C'est le meilleur moment pour lui faire comprendre l'importance de savoir quoi faire de son argent. Et s'il y a un soucis, je suis là pour l'aider. N'est-ce pas le rôle d'un parent ? Enseigner à son enfant ce qu'il doit connaître pour son avenir ? - Certainement, monsieur, mais... - Alors nous sommes d'accord. Cette somme ira à Slovan. Vous le rangerez dans cette caissette et vous la déposerez dans la chambre de mon fils. - Mais... - Quant au reste, vous le mettrez de côté pour le jour où ma femme et moi-même ne serons plus là. Entendu ? - En... Entendu...
Je fixai mon banquier d'un air sévère, m'assurant qu'il ferait ce que je lui avais demandé. Comme il ne protesta pas semblait avoir une attitude de soumission, j'en conclus qu'il obéirait Au même moment, quelqu'un toqua avec entrain sur la porte puis une tête passa entrebâillement de cette dernière. Il s'agissait d'une jeune domestique qui avait été récemment embauchée.
- Monsieur, pardonnez-moi si je dérange. - Non, rassurez-vous, Lucile, nous avions terminé. Qu'y a-t-il ?
A peine eus-je posé cette question qu'un sentiment de malaise me prit ainsi qu'une peur viscérale, me nouant affreusement le ventre. Quelque chose n'allait pas. Et le visage affolée de Lucile, bien qu'elle tentait de le cacher, me donna une idée assez nette de ce qui était arrivé. D'un bon, je me levai, faisant tomber ma chaise derrière moi. Non ! Ça ne ce pouvait ! Pourvu que ce ne soit pas vrai !
- Ne me dites pas que c'est Slovan ! M'exclamai-je. - Si... hésita la jeune fille. Il...On ignore où il est allé et on le cherche. On vous a tout de suite prévenu. - Je vous avais pourtant dit de veiller sur lui ! M'écriai-je.
Ne faisant plus du tout attention à l'homme encore présent dans mon bureau, je quittai la pièce à vive allure. Lucile dût se forcer pour tenir le rythme et me répondre quand je lui demandai de me raconter ce qui était arrivé.
- La dernière fois qu'on la vu, il jouait dans le jardin sous la surveillance du jardinier. Il s'occupait du potager et il a voulu chercher un outil dans la cabane. Quand il est ressorti, Slovan avait disparu. - S'il a la moindre égratignure, la moindre, je vous renvoie tous !
J'entendis Lucile trébucher et manquer de s'étaler sur le sol mais je n'y prêtai pas la moindre attention. Je n'avais qu'une seule chose en tête : Slovan ! Une série d'images défila dans mon esprit. Toutes plus affreuses les unes que les autres. Je voyais Slovan se faire emporter. Il tendait une main désespérée vers moi et m'appelait au secours. Le rire de mon père résonnait dans ma tête alors que mon fils se retrouvait dans une marre de sang. J'accélérai l'allure, me fichant royalement que la pauvre Lucile peine derrière moi. Les couloirs défilèrent au fur et à mesure que je me dirigeai vers les jardins. Je dévalai les escaliers quatre à quatre, manquant trébucher tant j'étais pressé. Si j'avais été immobile, j'aurais eu les jambes tremblantes. Je passai la porte d'entrée et perçus des voix appelant mon fils. Je m'arrêtai brusquement en haut des marches du perron alors que je voyais les domestiques éparpillés dans le jardin à la recherche de Slovan. Un choc contre mon dos me fit tourner la tête et je vis Lucile se masser le nez.
- Avez-vous chercher dans la maison ? - Pardon ? - Avez-vous chercher dans la maison ? Répétai-je d'un ton plus qu'énervé. - Oui, bien sûr. - Recommencez ! Sifflai-je entre mes dents. Je vais près de l'étang. Slovan aime jouer là-bas même si je le lui interdis. - L'étang ? Mais...
Je ne pris pas la peine d'écouter ce qu'elle voulait me dire. Je partis en courant à travers les chemins du jardin pour me précipiter vers les arbres en bordure de notre propriété. Mes jambes me portaient malgré moi, me poussant à courir toujours plus vite, au risque de me fouler une cheville. Je me lançais à en perdre haleine, espérant retrouver Slovan. Je n'avais que son nom en tête, je n'avais que lui devant mes yeux. D'ailleurs, ceux-ci se mire à me piquer. Et ce n'est aucunement dû à une poussière ou à la petite brise qui frappait mon visage. L'inquiétude et la peur me tiraillaient les entrailles pour les nouer douloureusement. Dans mon esprit, je m'inventais différents scénarios, tous plus lugubres les uns que les autres. Et dans chacun, Slovan se retrouvait grièvement blessé ou mort. J'en accélérai ma course pour ralentir en arrivant près de la petite forêt qui n'en était pas vraiment une. Les arbres étaient trop peu nombreux et trop espacés pour que c'en soit une. Je pris une allure plus calme – si on pouvait toutefois le dire ainsi – pour ne pas rater un mouvement, un indice ou quoi que ce fut qui m'aiderait à retrouver mon fils.
- Slovan ! Hurlai-je.
Seul le silence me répondit. Un silence pesant dont le poids s'obstinait sur mes épaules.
- Slovan ! Réponds-moi !
Je crus que l'hystérie allait me prendre. Aucune réponse ne me parvenait alors que je m'enfonçais plus avant parmi les végétaux, me dirigeant vers le petit étang qui n'était pas loin. Je n'entendais même plus les cris des domestiques dans le jardin. Aucun. Le vide totale. J'en tremblais. Seule la volonté et la nécessité de récupérer la chair de ma chair me maintenaient debout, forçant mes jambes tenir. Bientôt, le point d'eau se retrouva face moi, les rayons du soleil, faisant miroité la surface alors qu'une petite plage de galets descendait en pente douce dans les profondeur de l'étang.
- Slovan ! Dis-moi quelque chose ! C'est papa !
Je remarquai alors une ombre flottant à la surface des eaux. Tout d'abord, je ne m'y attardais pas mais en y regardant de plus près... Je filai comme une fusée, me précipitant dans l'élément aquatique sans même prendre la peine de retirer mes chaussures ou autres vêtements. Alors que je forçais sur mes jambes pour me frayer un passage à travers les flots, des giclées manifestèrent leur désapprobation à mon entrée. Des sanglots obstruèrent ma gorge, se transformant en gémissement plaintifs alors que l'eau me ralentissais dans ma hâte d'atteindre mon objectif. J'avançai au ralenti. Et plus je me rapprochai plus j'avais la sensation que la silhouette que je voulais rejoindre s'éloignait. Perdant pied, je m'étendis et me mis à nager aussi vite que mes jambes et mes bras me le permettaient ; et ce malgré le poids de mes vêtements qui tentaient de me retenir comme des chaînes accrochées à un boulet. Je me fichai de ses inconvénient. Je ne voyais que le corps qui flottait à quelques mètres de moi. Pourtant, je refusai d'y croire ! Ça ne se pouvait ! Mon père n'avait pu faire ça ! Mais ce n'était pas un rêve. Le corps de Slovan se trouvait bien ballotté par le courant de l'étang. Vif, le corps tremblant et retenant des sanglots, je me précipitai vers lui, pestant intérieurement de ne pas aller plus vite. Slovan avait le visage dans l'eau quand je parvins à sa hauteur. Rapidement, je le mis sur le dos, le prenant contre moi en tremblant. Sa tête bascula vers l'arrière alors qu'il avait les paupières baissées. On lui avait retirer ses vêtements et abandonné nu dans l'eau froide.
- Non, non, non, non, gémis-je. Slovan, non.
Désespéré, je giflai les joues froides de mon fils dans l'espoir de le ranimer. Acte tout à fait inutile, naturellement mais j'étais hors de porter de la raison. Je ne voyais que mon fils inerte et semblant sans vie dans mes bras. Je me forçai à reprendre la maîtrise de moi-même et me mis à nager jusqu'à terre, veillant à garder la tête de Slovan hors de l'eau. Le retour sur la plage me paru moins long qu'à l'aller. Dès que j'eus pieds, je soulevai le corps de mon garçon et courut hors de l'eau pour le déposer dans l'herbe. Je ne perdis pas un seul instant pour positionner mes mains sur son torse et exercer des pression rapides.
- Vis, Slovan ! Implorai-je. Je t'en prie !
Je me penchai sur son visage et pinçai son nez en lui rejetant la tête en arrière à l'aide du reste de ma main. Ma bouche vint communiquer mon souffle à Slovan, voulant réactiver le sien. Puis je me redressai pour reprendre le massage cardiaque. Je m'efforçai de garder mon calme, me refusant de trembler. Je me devais d'être fort. Pour mon fils. Il fallait que je le sauve ! A n'importe quel prix !
- Slovan ! S'il te plaît ! Reviens ! Ne me fais pas ça....
Le supplier à haute voix m'aidait à maintenir mon sang froid. Je me concentrais sur le petit corps à mes genoux qui ne demandait qu'à être ressuscité. J'alternai bouche-à-bouche et massage cardiaque habilement dans l'espoir qu'il n'était pas trop tard. Malheureusement je n'obtenais aucune réaction. Rien. Slovan restait sans vie, les yeux clos. Des zébrures ornaient ses bras et ses jambes ; mais pour moi, elles n'étaient que secondaires. Je me fixais uniquement sur sa respiration qui refusait de réintégrer les poumons de mon fils. Et ce malgré mes soins. Néanmoins je persistai. Je ne pouvais abandonné. Pas maintenant ! Mais au fur et à mesure que la vie de mon enfant m'échappait, des sanglots désespérés passèrent mes lèvres malgré moi alors que des larmes commençaient s'écouler de mes yeux.
- Slovan … Je t'en prie... pleurai-je.
N'y tenant plus, je cessai mon action pour tomber lourdement sur mes fesses, m'asseyant en tailleur. Un cri déchirant sortit de ma gorge alors que j'amenai à moi le corps inerte. Je le serrai fort contre ma poitrine, me balançant d'avant en arrière pendant que mes doigts se glissaient dans ses cheveux mouillés. Je pleurais à n'en pas finir alors que des plaintes à peine étouffées me secouaient. Je posai ma tête contre la sienne, enfouissant mon visage dans ses boucles brunes semblables aux miennes. J'embrassai son front, caressai un moment sa chevelure avant que de nouveaux gémissements me reprennent. Je refusais d'y croire. Je refusai d’admettre que mon fils, ce petit bout de chou que je tenais entre mes bras, fut mort. Comment était-ce possible ? Il n'avait encore rien connu de la vie. Il devait grandir, devenir un homme. Il commençait à peine à apprendre le piano. Il avait encore tant de choses à découvrir ! Comme... comment se comporter avec les filles, comment être en société. Une bibliothèque remplie de livres l’attendait maintenant qu'il savait lire ! Il n'en avait encore touché aucun. Platon, Montesquieu, Rousseau et Diderot n'avait pas encore pu lui transmettre leur savoir. Molière ne l'avait pas encore fait rire et Corneille pleurer. Alors comment Slovan pouvait-il être parti ? Impossible ! Il lui restait tant de chose à vivre... De plus, un enfant ne meurt pas avant ses parents, pas vrai ? Donc, Slovan vivait toujours ! Il le fallait... Alors pourquoi ne bougeait-il pas ? Pourquoi restait-il inerte, sans la moindre respiration lui soulevant la poitrine. Mon corps fut secouer de tremblement alors que mon front s'appuyait contre la tête de mon fils. Je le serrai contre moi, espérant dans un geste désespéré de le ramener à la vie. Mes larmes glisser sans retenu sur mes joues alors que des sanglots se faisaient plus rauques et étouffés. L'air me manquait. J'avais l'impression de suffoquer, comme si mes poumons refusaient de fonctionner. J'étais incapable de respirer, luttant contre la douleur qui envahissait ma poitrine. Délicatement, j'allongeai Slovan, rejoignant ses mains sur son ventre. Je le fixai avec des yeux embués. A le regarder ainsi, les yeux fermés et presque paisible, il paraissait simplement dormir. Il avait l'air si fragile avec bras fin, à peine musclé, son petit corps mince qui n'avait pas fini de se développer. Il semblait si éloigné de la mort... Non ! Il ne l'était pas ! Slovan vivait ! Comment une telle pensée avait-elle pu me traverser l'esprit ? Plus déterminé que jamais, je me penchai à nouveau au dessus de mon fils et reprit mon massage cardiaque avec plus de ferveur. J'en vins à utiliser mon point plutôt que d'exercer des pressions avec mes mains. J'aurais pu lui briser le sternum ou des côtes mais en cet instant, je me trouvai loin de la raison. Je n'avais qu'un objectif : ramener Slovan. Et ce par n'importe quel moyen.
- Reviens ! Hurlai-je tout en frappant la petite poitrine. Je t'interdis de partir ! Tu m'entends ! Je te l'interdis ! Slovan !
Je poursuivis ainsi, ne m'arrêtant que pour lui faire des bouche-à-bouche. J'allais lui donner de nouveaux coups quand Slovan eut un sursaut et toussa, crachant de l'eau qui se déversa sur son menton et son cou. Vif, je le redressai et le tournai sur le côté pour qu'il puisse évacuer le liquide de ses poumons. Retenant mes tremblements, je lui donnais de petites tapes dans le dos dans le même but. A le voir tousser et cracher, j'en ressentis un soulagement incommensurable que je tentais de refréner. Si je m'étais écouter, je l'aurais fait prisonnier de mes bras et ne l'aurais lâcher sous aucun prétexte, au risque de l'étouffer. Ce dont je ne tenais absolument pas. J'attendis patiemment qu'il se soit plu ou moins remis et eut terminer de rejeter toute l'eau qui avait envahi son organisme. Puis je me laissai aller à le serrer contre moi, pleurant des larmes d'infini soulagement. Mais mon égarement fut de courte durer. Contre moi, je sentais le petit corps grelotter de froid. Etant moi-même trempé, je n'avais rien pour le couvrir. Il n'avait que la température de mon corps pour obtenir un semblant de chaleur. Je passai un bras sous ses genoux tandis que l'autre soutenait le haut de son corps. Ainsi, je le soulevai et partis en direction du domaine d'un pas précipitait. Slovan tremblait toujours et chercha un peu de réconfort en passant ses membres supérieur autour de mon cou. Je lui répondis resserrant doucement mes doigts sur lui alors que je prenais un rythme plus pousser. Il fallait que je me dépêche d'atteindre la maison ou il risquait de prendre froid. Mon cœur battait à tout rompre alors que mes jambes me portaient au point de me faire mal mais j'en avais cure. Cette sensation désagréable n'était rien et je pouvais bien passer outre. Je traversai le jardin et en chemin je croisai les domestiques qui appelaient toujours Slovan. Quand ils me virent portant le disparu ils se précipitèrent vers moi. Mais ils n'eurent pas le temps d'arriver à ma hauteur pour demander des nouvelles que je leur hurlai dessus.
- Cherchez des vêtements pour Slovan ainsi qu'une serviette et amenez les dans le salon, près de la cheminée ! Et n'oubliez pas de rajouter du bois dans le feu ! Tout de suite ! Ajoutai-je en voyant qu'ils réagissaient à peine.
Ils ne se firent pas prier davantage et coururent en même temps que moi vers le domaine pour exécuter mes ordres. J'entrai en trombe dans le salon, m'aidant de mes pieds pour ouvrir les portes que je dus franchir afin d'arriver à destination. Je fis asseoir Slovan sur le fauteuil face à le cheminée dans lequel crépitait un feu. Je pouvais en sentir la chaleur réconfortante et apaisante et j'espérai ue Slovan en subissent les effet bienfaisants. Le voyant toujours tremblant, je retirai ma chemise et mon gilet pour me mettre torse nu et lui communiquer plus facilement ma chaleur corporelle. Je le serrai contre moi et le frictionnai en espérant qu'il cessât de trembler. Il n'avait pas prononcé un mot, pas même émit la moindre plainte ou le moindre gémissement. Bien que je n'en fusse pas surpris, son silence m'inquiétait. J'avais peur que quelque chose se soit brisé en lui, que ce que mon père lui avait fait ne l'ait plus marqué qu'il ne le paraissait. Je me forçai à ne point y songer... Mieux valait, pour le moment, que je me concentre afin de rendre un peu de chaleur à mon fils toujours grelottant. Une domestique entra d'un pas rapide, des serviettes et des vêtements ans les bras. Je ne lui accordai pas un regard et lui arrachai presque son fardeau des mains. Avec des mouvements frénétiques, je frottai le corps tout entier de Slovan, veillant néanmoins à ne pas être trop brusque quand je passai sur les zébrures qui ornementaient ses bras et ses jambes.
- veuillez m'apporter une bassine d'eau avec de l’alcool et un chiffon propre, ordonnai-je à la femme qui s'apprêtait à quitter la pièce. - Bien, monsieur.
Ne faisant plus attention à elle, j'enveloppai la tête de Slovan dans une serviette et m'appliquai à lui essuyer les cheveux, lui laissant une autre bien plus grande et sèche sur ses épaules pour couvrir sa nudité. Ses petits doigts s'agrippèrent au tissu et en ramena les pans pour s'emmitoufler avec alors que je continuai ma mission. Son mutisme me pesait et m’inquiétait plus que je ne le pensais et je tentai un moyen de le faire un peu parler ou au moins réagir.
- Tu as mal quelque part ? Demandai-je d'une voix que je souhaitais rassurante.
Il me répondit par un simple non de la tête. Je n'insistai pas davantage et commençai à lui et nettoyer ses plaies avec un chiffon imbibé d'alcool qu'on m'apporta. A peine j'eus toucher sa peau blessée qu'il poussa un cri et dégagea vivement son bras
- ça fait mal... - Je suis désolé mon chéri mais il faut désinfecter. Sinon tu peux tomber gravement malade. - Je veux pas du chiffon qui pique...
J'émis un soupire tout en tenant doucement son poignet. Je comprenais sa réticence et son refus à être soigner. Je me rappelai parfaitement des première fois où ma mère dut me convaincre pour la laisser nettoyer les mêmes zébrures que Slovan. J'avais plusieurs solution. Soit je le forçai – ce que je ne comptai nullement faire – soit je le persuadais, soit je le distrayais. Je choisis la dernière option. Avec tout l'amour que je pouvais avoir pour mon fils, je me mis doucement à chanter. Les notes douces et tendres sortaient d'entre mes lèvres dans une mélodie apaisante et harmonieuse. Ma voix légère tentait de le mettre en confiance et lui faire oublier ce qui l'entourait. J'interprétai cette petite berceuse pour lui. Une berceuse que je lui chantai régulièrement. Tout comme ma mère quand j'étais moi-même. Slovan m'écouta, se laissant bercer par le ton caressant que j'employai. Tout en chantonnant, je tamponnai doucement les plaies e Slovan qui ne sembla pas réagir au picotement. Il s'était focalisé sur ma voix, comme envoûté, et ne réalisait pas mes gestes. Au contraire, il m'accompagna. J'en souris et poursuivis en m'accordant avec lui. Quand la chanson se termina, j'avais moi-même fini de lui nettoyer les bras. Ce qu'il constat et eut une expression de surprise. Amusé, je passai une main dans ses cheveux encore humide.
- tu es tout mouillé, papa. Faut te sécher. - Ne t'en fais pas, fiston. Je m'occuperai de moi. Pour l'instant, il faut t'habiller
Je pris les vêtements qu'on m'avait apporter et aidait Slovan à le enfiler. Alors que je lui passai sa culotte dorée de satin, il passa ses bras autour de mon cou.
- je t'aime, papa
Touché, je l'enlaçai et le serrai fort contre moi. Le reflue de ma panique me tomba soudainement dessus et des larmes incontrôlables coulèrent sur mes joues. Des sanglots m'échappèrent au point que je fus presque incapable de m'arrêter. J'avais tellement eu peur pour Slovan et de le perdre ! Qu'aurais-je fais s'il avait péri ? Que serais-je devenu ? Et Roxane ? Que lui aurais-je dit ? Que je n'avais pas su protéger notre fils ? Impossible... Elle m'en aurait voulu à mort. En tout cas, moi, je m'en serais voulu.
- Pourquoi tu pleures, papa ? - Parce que... parce que j'ai eu très peur, mon chéri. - Pardon...
Je le serrai davantage et le berçai.
- tu n'as rien à te reprocher, mon bébé. Ce n'est pas ta faute.
Doucement, je le lâchai et essuyai mes joues inondée. Puis avec tendresse, je lui embrassai le front.
- Viens, tu as besoin de repos.
Je pris sa petite main et gravit les marches avec lui, me fichant royalement que mon bas mouillés puis laisser une traînée sur mon chemin. Une fois dans sa chambre, je l'allongeai et l'enveloppai dans les draps. A peine fut-il couvert et eut les yeux fermés, il s'endormit. Quant à moi, je restai assis sur une chaise à ses côtés, veillant sur son sommeil.
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