Drôle d'entretien (Pv Lucy Darrow)

Confortablement installé sur mon canapé, je sirotait un verre de sang. Le verre en question était d'un beau cristal raffiné datant de mon époque chérie : le dix-huitième siècle. Je l'avais trouvé dans une brocante et acheté aussitôt. Non seulement pare que je le trouvai joli mais aussi parce qu'il me rappelait des instants bénis de mon humanité.

Ça avait été l'insouciance, l'impression d'être au-dessus de tout, d'être capable du meilleur comme du pire ! Et surtout... c'était ma rencontre avec Roxane, le jeu du chat et de la souris auquel nous nous étions adonné, les moments intimes sous les draps ou dans un couloir au nez et à la barbe de mon bon à rien de frère et de mon stupide père...
Le dix-huitième siècle avait été l'âge d'or pour moi. Par conséquent, je chérissais tout ce qui me rappelait cette période lumineuse et vivante. Et surtout, tout ce qui me faisait penser à ma Roxane.

Ah ! Roxane ! Ma sulfureuse et indomptable femme sauvage ! Où étais-tu à présent ? As-tu traversé ce siècle ou t'étais-tu laissée dépérir par le chagrin causé par ma trahison ? Mais tu es forte, n'est-ce pas ? Je sais que tu es toujours là, dans ce monde. Tu as su surmonter la douleur, comme je l'ai fait moi-même. De toute manière, il fallait qu'il en soit ainsi. Me dire que Roxane existait toujours m'aidait à tenir et à vouloir avancer. L'espoir qu'un jour je la reverrai était ma bouée de sauvetage et me donnait la force de rester à la surface. Alors il ne fallait surtout pas que je songe qu'elle pourrait ne plus être. Ou sinon j'allais devenir fou...

Toujours affalé sur mon canapé de ma loge, je pris une gorgée de sang. Je fis une grimace. Il était froid. Pas étonnant vu qu'il venait directement de la glacière. Ah ! Que n'aurais-je pas donné pour le sang d'une fraîche jeune fille ou d'un beau jouvenceau ? Ce sang-là était vivifiant et bien chaud, apportant des délices inégalables ! Malheureusement, je n'avais pas ça à porter de main. Alors mieux valait que je me contente de poches de sang qui j'avais fait venir d'un hôpital. Oh j'aurais pu aller chasser, c'est vrai, mais j'attendais quelqu'un. Une femme du nom de Lucy Darrow qui ne devrait plus tarder à arriver.

D'après le CV ainsi que sa lettre de motivation qu'on m'avait fait parvenir, elle semblait avoir le profil adéquate pour le poste que je comptais lui désigner : l'organisation de la sécurité lors des concerts et, surtout, une sorte de garde du corps. Je préparai une tournée à travers les États-Unis et il me fallait des gens qui veilleront sur la protection de ma personne et de mes musiciens. Je ne voulais pas qu'il arrive quoi que ce soit à mes petits chéris. En tant qu'humains, ils étaient plus vulnérables que moi. Et je veillais sur eux comme la prunelle de mes yeux. Enfin, presque... En tous les cas, c'était la moindre des choses que je leur assure la sécurité vu que c'était moi qui les lancer dans le royaume du succès ! Et d'autant plus quand je pense que ce sont eux qui m'ont sorti de ma léthargie suite au départ de Roxane et celui de Victor.
Ce serait mal les remercier de m'avoir redonné vie que de les laisser sans protection.

Je ne savais pas grand chose de cette Lucy, si ce n'est qu'elle est une femme de caractère – le genre de chose que j'apprécie beaucoup, je dois l'admettre – et qui, apparemment, avait déjà exercé dans la sécurité. Et bien, je verrai bien par moi-même quel genre de femme elle se trouve être.
Néanmoins, je devais avouer que quelque chose ne me plaisait pas chez elle. Certes, elle est jolie, elle semble être parfaite pour le poste. Mais je crois bien que c'est justement ça qui me dérangeai. Il fallait que j'en sache plus sur elle. Et cet entretien avec la demoiselle répondra sûrement à mes question. Et en fonction de ça, je verrai si je l'engage où non.

C'est alors quelqu'un toqua à la porte de la loge.

- Monsieur de Merville, mademoiselle Darrow est arrivée.
- Vous pouvez la faire entrer.

Je me redressai sur mon canapé afin d'accueillir ma future employée.

Invité

-C'est hors de question. Tu peux te le fourrer ou je pense ce putain d'entretien de merde.

Je fulminais par tout les pores. Tout mon corps n'était en cet instant que rage contenue. Enfin pas tant que ça. J'ai un contrôle parfait quand je le veux, mais en l'occurrence ce connard mal baisé méritait bien ma soufflante et encore je lui épargnait une bagarre. Calme quoi que soufflant d'agacement il se leva et s'approcha de moi. Je sifflais rageuse et menaçante.

-Si tu essaies de me toucher, je t'arraches un doigt, si tu le fais ce sera la main, et tu sais que j'en suis capable !

Il haussa un sourcil mais recula tout de même gardant une distance acceptable entre nous deux. Je le jaugeais en lui lançant au moindre mouvement des regards noirs et glacials. Il allait payer pour m'avoir assigné à cette mission, pour avoir répondu à l'offre et surtout pour m'obliger à le faire. Car s'il y a une chose qui fait autorité chez cet homme arriviste c'est bien qu'une mission assignée doit être faite. Point à la lettre. Un dossier, un cadavre. Ca marche bien généralement et habituellement je suis la première à réclamer mon quota de missions. Mais ça ! Oh le bougre, la triple buse. Il me connaît pourtant. C'est lui qui m'a trouvé et m'a formé. Il a réveillé mon instinct de chasseresse. Il a voulut une tueuse j'en suis une. Traqueuse et exécutrice. Et je fais bien mon boulot. Mais protéger ? Servir de garde du corps ? Attendre patiemment en surveillant une foule de poupées humaines en pleine séance de fanatisme quasi religieux au son d'une musique fabriquée entièrement par des machines ? Oh vraiment que du rêve.

Je sens déjà que j'en ai marre. Stop. On arrête la blague là. Ludwig a du bien se marrer mais faut une limite à tout plaisir. Surtout quand ça consiste à me faire chier. Sans plus l'écouter je vais m'affaler sur son siège moelleux et pose mes pieds déchaussés de leurs escarpins sur son bureau. Putain ce que c'est bon. Rien que pour ça j'aime m'engueuler avec mon patron. Il ne peut supporter de se disputer assis ,alors quand je l'énerve suffisamment pour qu'il ai besoin de marcher je profites allègrement de son confort. Autant dire que je n'échangerais en rien nos jobs mais le mien atteint le luxe d'un fugitif en cavale. Toujours est-il que si je me suis calmée c'est à son tour de rager contre mon obstination, et mon je m'en foutisme ou quelque chose dans le genre. Je suis trop occupée à farfouiller sur son bureau pour l'écouter. Mais comme d'habitude il a rangé tout ce qui était intéressant. Après que je lui ai subtilisé quelques trucs et crocheté certains tiroirs il a compris la leçon. Dommage ça m'arrangeait bien parfois.

Finalement il s'arrête juste devant moi, me lance un regard mauvais et un dossier qui fait un bruit mat en atterrissant sur le bureau. L'ordre est clair. Je lis ce machin ou ça va barder pour mon matricule. Je tente le sarcasme en plaidant le fait que mon compte en banque n'a pas besoin de cette mission pour se porter comme un charme mais m'exécute tout de même. Après tout, lire ne m'obliges en rien. La infos qu'il m'a donné sur la mission sont les renseignements capitaux. L'employeur est un vampire du nom de Nicola de Merville. Encore un aristo pourrissant dans ses richesses et les cadavres des filles incrédules. Pas d'âge pas d'indications de taille ou poids. Je n'aime pas ne pas pouvoir prévoir. Je ne me bats pas de la même façon avec un jeune gringalet qu'avec un vieux forban rompu au combat. Même si pour ce boulot je suis censé protéger le mort en question et non le tuer. Je lance un regard à Ludwig qui signifie clairement "tu es si désespéré ?" accompagné de ma moue insolente qui le fait grincer des dents quand je l'énerve. Bon le bougre est musicien ok ok rien de bien stupéfiant les vampires adorent le côté jet set de ce millénaire. La taff consiste à assurer sa sécurité personnelle et celle de son groupe lors d'une tournée et patati patata. Intérêt zéro.

Redevenue calme et sérieuse j'attire l'attention de Ludwig en tapant le dossier contre le bureau.

-Pourquoi moi ? Tu sais que je déteste m'embarrasser d'autres personnes et que laisser des survivants c'est pas trop mon truc. D'autres pourraient le faire à ma place.

Cette fois ci il s'assoit sur un coin du bureau et avec un sourire carnassier me confie que c'est le gouvernement qui lui a confié cette requête, exigeant qu'à côté l'agent de son choix surveille le vampire de très près et sois paré à l'exterminer s'il s'avérait dangereux.

Un sourire ravit étira mes lèvres et je répondis doucereuse.

-Il fallait me le dire tout de suite voyons...

Même s'il mérite aisément le mal de crâne que je lui ai gentiment offert, Ludwig me revaudra le fait d'avoir envoyer mon CV et une lettre de motivation de son cru au sieur mélomane. J'accepte pourtant de me rendre à l'entretien.

Une tenue sobre suffit, pantalon de cuir noir, et manteau assortit recouvrant un débardeur près du corps. Je prends mon firestar et mon Browning laissant le reste de mon arsenal à balles dans leurs cachettes. Une dague est glissé dans mon holster de ceinture cela suffira. En moto alors que la nuit est sombre, et lourde je me grise de la vitesse et conduit intrépidement jusqu'au lieu de rendez-vous. Quand j'arrivais une secrétaire au sourire tellement forcé qu'il lui donnait des rides me conduisit vers un malabar qui voulut me fouiller pour être certain que je ne représentais nulle menace pour son boss. Je lui dis mon plus beau regard professionnel et répliquait avec une froideur juste ce qu'il faut pour être prise au sérieux, que sans armes je ne risquais pas d'être utile en tant que garde du corps. Heureusement pour ma patience et son intégrité physique un autre homme arriva. Obséquieux au possible et me conduisit jusqu'à la loge du pas-si-mort-que-ça a qui il annonça ma présence. Comme s'il ne l'avait pas senti au moment même ou je pénétrais le bâtiment...J'ouvrais la porte moi-même devançant le pingouin estomaqué pour faire face au premier vampire que l'on me demandait de surveiller et non de tuer.

-Mr de Merville. Vieille famille française ?

Je souris impertinente et parfaitement à l'aise face à l'homme d'un style élégant mais passé tranquillement assis dans un canapé ou il sirote sans conviction un verre de sang. Faux. je n'ai peut être des sens qu'humains mais je sais m'en servir. Celui ci est trop épais et la couleur n'est pas de la bonne nuance, mais c'est un effort qui ne paie tout de même pas vu l'engouement du consommateur.

La jeune femme pénétra d'elle -même dans la loge avant même que je ne puisse l'inviter à entrer. Elle avait une assurance qui ressemblait, à si méprendre, à une certaine personne de ma connaissance... Mais la ressemblance s'arrêtait là. Cette Lucy était certes un certain charme. A une époque, je l'aurais très certainement courtisée. Elle était assez belle pour que j'y attache un quelconque intérêt. Du moins, elle n'égalait en rien la beauté fatale qu'était ma Roxane. Jamais personne ne le pourrait ! Et certainement pas cette Lucy !
D'un œil critique, je la jaugeai du regard. Des cheveux châtains, vêtue de noire, elle avait la prestance d'une guerrière. Mais une guerrière brutale, du genre à foncer dans le tas sans pour autant négligé l'efficacité et la prudence. Hmm... plutôt utile si je voulais qu'elle assure la sécurité des concerts.

Néanmoins, quelque chose me gênait chez elle. Un petit truc qui me chatouillait désagréablement. Et pourtant, pour l'instant, rien ne permettait d'identifier ce « petit caillou dans la chaussure ». Ce petit détail me fit savoir que jamais je ne pourrais supporter cette femme qui avait certes l'arrogance qui d'ordinaire me plaisait mais possédait une aura qui me refilait des boutons... Enfin... façon de parler, bien sûr. Je me voyais mal avec des rougeurs le long de la colonne vertébrale.

En tout les cas, je ne doutais pas un instant que nous n'allions pas nous apprécier une seule seconde. Nous n'avons pas encore échangé le moindre mot que nous nous détestions déjà, sans le moindre doute. Il n'étais pas difficile à voir que la demoiselle n'avait aucun plaisir à se trouver ici. Bien au contraire. Elle n'avait donc pas envoyé son CV et sa lettre de motivation mais quelqu'un l'avait fait pour elle. Restait à savoir qui. Et pourquoi. Pour le découvrir, il me fallait poursuivre l'entretien. Il y avait quelque chose de pas net chez elle et j'entendais bien percer à jour son petit secret.

Parfaitement à l'aise et d'un ton qui donnait l'impression qu'on était de vielles connaissances, elle me demanda tranquillement si mon nom venait d'une ancienne famille française. Je ne pris même pas la peine d'y répondre. Elle en connaissait la réponse et honnêtement... ce genre de détails ne la concernaient pas. D'autant plus que c'était moi l'employeur et pas elle. Si elle s'imaginait prendre le dessus sur moi... elle se fourrait le doigt dans l’œil. Nicolas de Merville n'était pas homme à se laisser dominer par une simple humaine qui, à mes yeux, ne valait strictement rien... Sauf pour me servir.

Ne me laissant pas dominé par mon irritation, j'adressai un petit sourire parfaitement agaçant à Lucy, prenant une gorgée de sang. Puis je tendis tranquillement le verre vers elle.

- Vous en voulez ? Navrez qu'il soit froid mais je n'avais rien d'autre à disposition. Mais qui sûrement aurais-je plus tard quelque chose de plus vivifiant, déclarai-je d'un ton posé et de l'arrogance qui me caractérisait.

Puis je posais le verre sur la petite table vitrée en gardant les yeux sur elle. Lentement, je poussais le petit calice en cristal vers elle du bout d'un doigt. Puis d'un geste de la main je lui indiquai le fauteuil face à moi, l'invitant à s'asseoir si elle le désirait.

Invité

Si Ludwig ne met pas fin à ses jours, de honte, j'en fais mon prochain tapis de salle de bain. De la peau humaine, c'est doux après tout. Et il ne mérite que ça le connard. Non seulement il trahit toutes ses convictions, mais aussi sa profession et il m'utilise bassement pour cette besogne pourrit dont il n'a pas envie de s'embarrasser. Quel enculé vraiment. M'envoyer travailler pour un vampire ! Encore ceut-été un plan machiavélique pour l'approcher suffisamment afin de le planter, j'aurais râler, je lui aurais pourrit sa semaine, mais je l'aurais fais avec bonne volonté, et même le sourire. Bon carnassier le sourire, on est pas chez mère Thérésa. Mais au moins ça aurait eu du sens. Ce que je cherche désespérément dans cette situation qui n'a vraiment pas lieu d'être. Un vampire vivant est une cible potentielle, et je rages de ne pouvoir anéantir celui-là. Oh je n'ai rien contre lui. Comme ses congénères il est plutôt agréable à regarder, et bien que je connaisses tout sur lui ou du moins tout ce que l'agence a pu trouver facilement, cela ne me concerne pas. Je ne juges pas, je condamnes.

Celui-ci est vieux. Je le sens à sa manière d'économiser tous ses mouvements, il est aussi figé qu'une statue de Rodin s'il n'a pas besoin de bouger. Et il ne cache absolument pas sa nature. De ce sang qu'il sirote comme on boirait un verre de vin. A ses gestes trop rapides quand il en fait, ou ses pupilles si particulières...Assez arrogant pour ne pas daigner se lever à mon entrée, préférant me dévisager. Son front clignote presque des mots "maître des lieux". Ok c'est lui le boss, je n'ai pas affaire à un sous-fifre c'est clair. C'est au moins ça. Pas que je m'attendes à grand chose, mais tant qu'à devoir bosser pour un vampire autant le connaître en personne. Bien que ce soit surement ses petits animaux de compagnie que je vais devoir protéger de l'ardeur de leurs fans hystériques. On se demande bien pourquoi. Enfin pas pour la destruction etc, là pas de doute, je les comprends, même s'ils n'agissent en rien pour obtenir ce qu'ils veulent.

Je crois qu'au final je vais bien m'amuser. Il est sans aucun doute, arrogant, imbu de lui-même, et visiblement imbuvable, vu l'irritation que lui cause ma provocation et le rictus qu'il m'adresse avant de me proposer avec une amabilité tout à fait acérée et ironique sa coupe de sang. Je lui réponds par un regard absolument méprisant et m'assois dans le fauteuil qui lui fait face, baladant de nouveau mon regard sur la pièce, sans le quitter cependant du regard. Veillant à le conserver au moins en partie dans mon champ de vision. Il se fiche de moi avec panache, autant en paroles qu'en geste, et je dois reconnaître qu'il a au moins la classe pour lui, même si pour l'instant le jeu ne fait que commencer.

Installée confortablement, quoi que prête à bondir si il le faut, je reprends la parole, incisive mais polie, une fois n'est pas coutume, et puis je me suis bien élevé.

-Je ne voudrais pas vous priver. Mais là n'est pas le sujet. Pourquoi avez-vous besoin de mes services ?

Lucy observait ma loge avec un intérêt calculé. Le genre d'intérêt que l'on a lorsque qu'on cherchait à tout apprendre du repaire d'un ennemi afin de mieux s'échapper. Et ce même intérêt se concentra sur ma personne. Elle m'observait, notant chacun de mes gestes et chacune de mes paroles dans les tréfonds de son esprit afin de s'en servir sans doute plus tard contre moi.

Elle avait sur moi un regard de prédateur près à bondir sur sa proie. Elle avait tout l'étoffe d'une chasseresse. A sa manière de se tenir, de marcher, cela ne faisait plus aucun doute. Sans compter qu'elle me cachait habillement ses pensées. Son esprit m'était aussi impénétrable qu 'un mur de brique. Et à mon sens, ils n'y avait que des personnes bien précises qui parvenaient cet exploit : les chasseurs de vampires et de loup-garous. Elle faisait parti de ces imbéciles qui les capturaient dans le but de les réduire en esclavage au nom du Gouvernement.

De vrais pigeons, ceux-là... Le Gouvernement les utilisait comme des pions afin d'assouvir les besoin de domination sur tout et tous. Tout un ramassis d'idiots en sommes... Que croyaient-ils faire en s'associant avec le Gouvernement ? Ne plus avoir de bâton dans les roues ? Ne plus être pris pour des cinglés parce qu'on refusait de croire en quoi consiste leur « métier » ? Ils auraient mieux fait de s'abstenir parce qu'à présent les voilà soumis au Gouvernement qui leur demande sûrement un cota d'esclaves bien frais et dispos. Certes, ils n'ont plus à se cacher mais ils ont malgré tout les mains liées et ont perdu leur indépendance. Un prix un peu trop cher payé à mes yeux.

Quoi qu'il en soit, il ne me fut pas difficile de comprendre pourquoi cette « charmante » personne se trouvait devant moi. Qui sait, peut-être était-ce même contre son gré. En tout les cas, si j'ai reçu son CV – à n'en pas douter faux – c'est sans pour qu'elle se rapproche de moi et qu'elle me tienne à l’œil.
Pour le Gouvernement, je devais être l'ennemi public numéro 1. J'étais pour ainsi dire intouchable. Mes fans m'adorent ! Si je venais à être réduit en esclavage, je n'ose pas imaginer l'émeute et les manifestions contre le Gouvernement ! Et les politiciens le savaient parfaitement. C'est pour ça que jusqu'à présent, je n'avais pas encore eu d'ennuis de ce côté-là.

Mais à présent, il semblerait que le vent ait tourné. Ne venait-on pas de m'envoyer une chasseresse pour me surveiller et trouver la faille qui me ferait tomber droit dans le piège ? J'allais devoir être prudent. Très prudent. Mieux valait que je l'engage, histoire de ne pas avoir d'autres problème signés chefs d'Etat. Je pourrais avoir Lucy à l’œil et veiller à ce qu'elle ne me nuise pas.

Néanmoins, une chasseresse s'occupant de la sécurité pendant les concerts... ça peut toujours servir. Autant y voir du pour malgré tous les ennuis que je risquai d'avoir de la savoir aussi proche de moi. D'un autre côté... mieux valait qu'elle s'abstienne de me faire le moindre mal. Sinon le Gouvernement lui ferait très probablement payer le fait d'avoir provoqué une émeute.

Lucy s'installa sur le fauteuil face à moi en me regardant droit dans les yeux. Poliment, elle refusa le verre de sang que j'avais poussé vers elle. Evidement qu'elle allait refuser ! Quel humain aurait accepté ? Mais je devais avouer que sa réplique m'amusa.
Me priver de sang ? Allons bon ! Ce n'était que du sang froid. Rien de très délicat pour mon palais de vampire. M'enfin ! Inutile de s'attarder sur des broutilles.

Je récupérai mon verre et le portai délicatement à mes lèvres en fixant mon employée. Puis je fis tourner entre mes doigts la petite coupe, me concentrant à présent sur le liquide rouge qu'elle contenait.

- Avant de vous dire en quoi risque de consister votre travail, je vais vous poser quelques questions, comme il sied à un entretien d'embauche. Pourquoi m'avoir spécifiquement envoyé votre CV ? Et pourquoi vouloir travailler dans la sécurité ?

J'avais hâte de connaître sa réponse. Quel mensonge allait-elle inventer ? Avait-elle remarqué que je savais pour quelle raison elle se retrouvait assise dans ma loge à faire semblant de passer un entretien d'embauche ?

Invité

Bon j'allais peut être pouvoir m'amuser finalement. Ce vampire d'un âge vicieux d'après mon estimation évasive à un humour cynique et c'est un emmerdeur. Niveau "j'en fais un sport" au moins. Donc il va me faire chier, être désagréable tyrannique et suffisant au point qu'il soit impossible qu'il entende autre chose que sa propre voix, mais ce sera très amusant de mettre mon nez dans sa vie, de le faire tourner en bourrique et autres joyeux services dont je lui ferais profiter. Après tout c'est lui qui paie. Enfin paiera, c'est comme si c'était fait. Je doutes que l'on se batte pour un tel poste. Et puis à présent que je sais ou le trouver notamment il ne voudra pas me laisser libre de m'immiscer ici a volonté.

La décoration inexistante, et la sobriété des murs nus, contrastes avec l'imposant canapé en cuir ou il est avachit et les fauteuils qui lui font face. Noirs. Tendu,ici tout est dénué de personnalisation, chaleur ou intimité. C'est clairement un lieu de travail. Fait pour intimider je dirais presque.

Y étant habitué je n'en suis pas du tout gênée. L'efficacité avant tout. Le savoir c'est la force. Et s'exposer inutilement là ou n'importe qui peut apprendre des choses sur soi, est une grave erreur. Photos d'enfants, de conjoint, souvenirs, papiers traînant...même un verre peut être un indice, un soupçon, en définitive une arme. Et j'ai été formé a n'en laisser passer aucun. Dans le cas actuel, à part m'apprendre que le propriétaire est un homme riche, classe et assez austère, qui aime en imposer je n'apprends rien. Lui est plus parlant.

Même s'il préfère m'observer que m'expliquer pourquoi je suis là qu'on abrège cette entrevue pénible. Il n'y a pas d'intérêt à se regarder ainsi en attendant que l'autre tente de mordre pour répliquer. J'ai surement des gens à buter donc si on pouvait se la jouer précis conciset presto la sortie c'est par là ce serait bien. Mais les vampires n'ayant que le temps comme avenir, cet affreux temps qui leur impose tant d'ennuis, aucun d'eux n'est jamais pressé d'en finir. Ce qui cause souvent leur perte cela dit.

Après un moment de réflexion et, quelques gorgées de sang il prit de nouveau la parole avec cet ennui si caractéristique des anciens comme si communiquer était une tâche harassante tant elle est futile. Sur que c'est plus intéressant de beugler dans un micro. Sa tentative de maintenir la mascarade d'un entretien d'embauche m'amusa mais je ne partageais pas mon sentiment. Soit il n'avait pas deviné ma réelle profession, soit eh bien il préférait passer outre. Très bien, je ne vais certainement pas adopter une conduite exemplaire juste pour le business de Ludwig, mais je dois tout de même faire en sorte d'avoir le job.

-Risque ? Changez vous chaque jour vos employés de poste ? Je ne l'ai pas fais. Mon patron si, je travailles déjà dans la sécurité et il a pensé que cette expérience serait bénéfique pour moi et que j'avais les compétences pour.

Je souriais poliment, comme toute jeune femme respectable, attendant la suite non sans un brin d'impatience.

J'eus un fin sourire à ses paroles. Je pris à nouveau ma coupe de sang et en prit une énième gorgée afin de cacher mon amusement. Puis je reposai délicatement le verre sur la petite table avec la lenteur caractéristique d'un vampire. Je l'avais fait exprès, bien évidement. J'avais bien entendu remarqué son agacement du prolongement que je donnais à cet entretien. J'avais toujours été prompt à... comment dirais-je ? À agacer les autres. Une de mes activités favorites ! Et ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer ! Même après que mon ex-femme m'eut quitté.

Intérieurement, je me secouai. Il ne fallait pas que je pense à elle. Surtout pas maintenant. Et en présence d'une ennemie. Car c'était bien ce que cette Lucy était.
Elle venait de me le confirmer en avouant clairement qu'elle était envoyée ici par son « patron ». Il ne fallait pas être stupide pour comprendre qu'il s'agissait là du chef des chasseurs : Ludwig Von Hart ! Ou un truc du genre...

Bon il est vrai qu'en soit, ça ne prouve rien. Mais mon intuition ne me trompait absolument pas. Et les mots qui étaient sorti de sa bouche ne faisaient que me conforter ce à quoi j'avais supposé. A mes yeux, elle s'était trahie. Elle était bien là pour une mission de repérage. Elle devait sans doute trouver une faille afin de pouvoir ensuite me capturer et me réduire en esclavage, comme tous ces autres vampires et loups.

Soudain, une idée me traversa l'esprit. Les chasseurs ont beaucoup de renseignements sur mes semblables. Et si elle avait des infos sur Roxane ? Elle devait sans doute être au courant. Elle avait sans doute lu un dossier à mon sujet dans lequel mon ex-femme est évoquée. Roxane et moi-même sommes indissociables. On ne peut parler de l'un sans dire un mot de l'autre. Dans ce cas, Lucy doit forcément savoir ce qu'il est advenu de Roxane, n'est-ce pas ? A moins qu'elle ne se soit pas intéressée à elle...

Non ça serait idiot ! Elle devait avoir deviné que ma faiblesse est ma bien-aimée. Il fallait être stupide pour ne pas l'avoir compris. Si elle voulait avoir un moyen de pression sur moi, elle avait dû se renseigner sur Roxane. Oui, elle devait savoir...

Le hic, maintenant, c'était de la faire parler sans qu'elle se rende compte de mon intérêt. Un gros hic, même. Me connaissant, je ne tarderai pas à montrer des sentiments. Je ne pouvais faire autrement quand il s'agissait de ma Sauvage. Et puis... je désirai tellement la retrouver. J'ai bien peur que mon impatience me trahisse. Car je ne doutais pas un instant qu'elle jouerai là dessus pour me faire faire un faux pas. Je n'en doutais pas une seule seconde.

Pour l'heure, je me devais de mettre un terme à cet entretien futile, vu que je comptait déjà l'engager.

- Et bien... je crois que je vais faire confiance à votre patron, s'il vous a envoyé ici pour vous... perfectionner. Mais tâchez de pas me décevoir. Je risquerai d'être particulièrement... fâché si ça devait arriver.

Une manière assez indirecte de lui faire comprendre que je savais et surtout que je ne la louperai pas si elle venait, elle-aussi, à faire un faux. J'avais volontairement utiliser le mot perfectionnement pour qu'elle saisisse que j'avais deviné quelle était la véritable raison de sa présence ici.

- Mais bien sûr, ça n'arrivera pas. N'est-ce pas ? En tout cas, je l'espère pour vous.